Beaucoup le redoutaient. Ces dernières semaines, plusieurs captages ont dû fermer à cause de la présence d’un résidu de pesticide que l’Anses avait identifié un peu partout en France dans son étude publiée en avril dernier. L’ennemi s’appelle : le R47811. C’est un résidu de chlorothalonil, un fongicide aujourd’hui interdit. On en a notamment trouvé dans la Vienne. Deux sites au nord de Poitiers ont dû être débranchés du réseau parce qu’ils avaient dépassé le seuil sanitaire fixé par le Haut conseil de santé publique. Certes, il reste d’autres captages pour alimenter les habitants, mais ils flirtent eux aussi avec ce seuil sanitaire.
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Au moment où la sécheresse commence à se faire sentir, cela tombe mal. “Notre objectif est qu’il y ait encore de l’eau potable, explique Yves Kocher, directeur du syndicat Eaux de Vienne. Et de l’eau pour la douche et les toilettes, même non-potable.” C’est pourquoi le préfet a dû prendre des mesures de restrictions pour les particuliers comme pour les agriculteurs. Dans le nord du département, les collectivités se préparent à distribuer des bouteilles d’eau, en cas de besoin.
Déjà durant l’été 2022, à cause de la sécheresse, plus de 1 000 communes avaient déjà connu des ruptures d’alimentation en eau. Certaines avaient dû faire venir des camions-citernes. “On s’est retrouvé avec seulement deux captages pour alimenter 90 000 habitants, alors que l’on en a 29 normalement, se souvient Alain Bellamy, président de Chartres Métropole Eau. On n’est pas passé loin d’avoir un gros pépin.” Ce scénario pourrait donc s’aggraver cet été, puisque les contrôles de pollution sur le résidu de chlorothalonil détecté par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) cette fois-ci, vont se renforcer.
Des molécules “filles” inquiétantes
L’alerte a été donnée en avril 2023. L’agence annonce avoir trouvé des résidus de pesticide à des taux importants dans plus d’un tiers des échantillons d’eau potable lors de sa dernière campagne d’analyses. Habituellement, ce polluant n’est pas contrôlé par les autorités sanitaires. Mais “nous avons été alerté par des collègues suisses qui avaient trouvé ce résidu de chlorothalonil dans de nombreux captages”, explique Christophe Rosin, directeur adjoint du laboratoire d’hydrologie de Nancy de l’Anses. Le résidu en question est un métabolite. Dans un désherbant ou un insecticide, il existe un ingrédient principal : la substance mère. Mais une fois disséminées dans les champs, d’autres molécules se forment sous l’effet du soleil par exemple. Ce sont ces substances “filles” de la molécule mère qu’on appelle des métabolites. Avec la pluie et le ruissellement, ils se retrouvent dans l’eau de nos rivières ou de nos nappes phréatiques. Or, “il peut y avoir des métabolites plus toxiques que la molécule mère, comme ceux du chlorpyriphos [un insecticide aujourd’hui interdit, NDLR] par exemple”, s’inquiète Laurence Payrastre, docteure en biologie cellulaire à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).
Il y a trois mois, le ministère de la Transition écologique se montre rassurant. Il estime que le rapport de l’Anses ne met pas en évidence de seuils inquiétants pour la santé. Mais l’Anses n’a alors analysé que 300 sites sur les 30 000 captages français. Depuis, il y a eu de nouveaux contrôles, et d’autres sont envisagés. L’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, ainsi que celle de Bourgogne-Franche-Comté vont en faire et rechercher d’autres substances que ce seul résidu de chlorothalonil. De nombreuses collectivités craignent donc qu’on trouve de nouveaux polluants dans leurs forages, ce qui les contraindrait à faire des travaux dans un délai maximum de six ans.
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Une dangerosité inconnue
Mais comment savoir si ces métabolites sont dangereux pour la santé ? La plupart de ceux que l’Anses a trouvés lors de sa campagne n’avaient aucun seuil de toxicité établi, puisqu’on ne les avait jamais identifiés auparavant. Dans l’urgence, le Haut conseil de santé publique a fixé une valeur provisoire de trois microgrammes par litre (un seuil également adopté par l’agence de l’environnement allemande). Ce seuil devrait bientôt être révisé après communication des études de Syngenta (l’industriel qui fabrique le chlorothalonil) et après avis de l’Anses.