La séléction du film "Le Retour" en compétition à Cannes a lancé l'une des premières polémiques du 76e Festival, après des accusations à l'encontre de l'équipe du film. La réalisatrice Catherine Corsini, sa productrice et ses comédiens y répondent.
Catherine Corsini et son équipe répondent aux accusations. Le Retour, qui marque la troisième participation de la réalisatrice à la Compétition cannoise, est au centre d’une polémique depuis l’annonce de la sélection par Thierry Frémaux, le 13 avril dernier.
Initialement retenu dans la course à la Palme d’Or, le film est finalement retiré de la sélection à la dernière minute, le temps que le conseil d’administration examine “la situation de l’oeuvre”, avant de la réintégrer le 24 avril avec d’autres compléments de sélection.
En cause, des accusations relayées par la presse autour de présumés faits de harcèlement reprochés à la cinéaste et deux membres de son équipe, ainsi qu’une possible entorse “grave” à la législation sur la protection des comédiens mineurs.
La cinéaste, sa productrice Elisabeth Perez (CHAZ Productions) et deux comédiens (Esther Gohourou et Denis Podalydès) se sont exprimées dans un communiqué que nous relayons en intégralité ci-dessous.
Le Retour
De
Catherine Corsini
Avec
Aïssatou Diallo Sagna,
Esther Gohourou,
Suzy Bemba
Sans date de sortie pour le moment, et figurant parmi les vingt-et-un longs métrages en lice pour la Palme d’Or le 27 mai, Le Retour confronte une mère de famille à des souvenirs douloureux en Corse, alors que ses deux filles adolescentes se laissent aller à toutes les tentations estivales.
Communiqué de presse – CHAZ Productions – Elisabeth Perez & Catherine Corsini
Nous voudrions d’abord remercier le Festival de Cannes d’avoir confirmé l’invitation faite au film de Catherine Corsini, LE RETOUR.
Des mails anonymes et diffamatoires ont été envoyés à toute la profession et à la presse, contribuant à créer une rumeur extraordinairement dommageable pour le film. Il est heureux que le plus grand festival du monde ait pris le temps d’en vérifier minutieusement la véracité. C’est pourquoi la décision prise de maintenir la sélection du film en compétition a du sens. En l’état des informations qui ont été transmises, une autre décision aurait signé un précédent grave pour le cinéma d’auteur et pour la manifestation elle-même.
Nous saluons le Conseil d’Administration du Festival qui a décidé de préserver la liberté du sélectionneur, Thierry Frémaux, comme la liberté d’expression d’une cinéaste.
Nous voulons redire qu’il n’y a aucune plainte d’aucune sorte déposée contre Catherine Corsini, ni contre la production du film. La seule irrégularité constatée à l’issue d’une enquête du Comité Central d’Hygiène de Sécurité des Conditions de Travail (CCHSCT), que nous avons très tôt reconnue, est un manquement administratif, celui d’une scène non déclarée et donc non visée par la Commission des enfants du spectacle.
En effet, Catherine Corsini a rajouté en cours de tournage une scène entre deux jeunes comédiens du film, de 15 ans ½ et 17 ans. Même si c’était avec leur accord, nous aurions dû la déclarer. Ne pas l’avoir fait constitue une entorse au droit et de fait, la production a été sanctionnée par le CNC. Mais stoppons là les fantasmes! Les adolescents étaient habillés et la scène est filmée sur les visages. Il n’y avait ni attouchement ni contact inapproprié entre eux deux, comme nous avons pu l’entendre ou le lire dans la presse. Le cinéma est l’art de la suggestion. Et ces jeunes gens l’ont compris : sans y être contraints le moins du monde, ils ont refusé coach d’intimité et doublures, qui leur ont pourtant été proposés avec insistance, confiants qu’ils étaient dans la relation qu’ils avaient avec la réalisatrice.
Nous avons toujours été engagées contre toute forme de violence et harcèlement sur les tournages, nous ne les minimisons pas, nous avons été impliquées dès les premières réunions du 50/50. Deux signalements pour gestes présumés inappropriés mettant en cause deux techniciens du film ont donné lieu à des enquêtes internes, transmise au CCHSCT, qu’Elisabeth Perez, en tant que responsable de CHAZ Productions, a mené avec la référente harcèlement du tournage. Le CCHSCT a pu en constater la bonne forme.
Nous remercions les technicien.nes, les acteur.ices du film pour leur appui, leur mots merveilleux et tous leurs témoignages justes et nuancés qui ont permis de rendre compte de ce qu’a été la réalité de ce tournage. Enfin, merci également aux collaborateur.ices d’avant, aux ami.e.s cinéastes et à tous nos partenaires pour leur soutien indéfectible.
Témoignage – Esther Gohourou, comédienne
Cette lettre pour mettre fin à cette histoire car on a beaucoup parlé à ma place, mais pas moi. Pour la scène du jardin qui a été rajoutée aux rôles de Farah et d’Orso. Catherine m’a proposé des doublures et même un coach d’intimité et j’ai refusé, elle a aussi proposé à Harold et lui aussi a refusé. On avait refusé mutuellement avant de se concerter. Elle nous a proposé plusieurs fois mais on a toujours refusé. Durant la scène, ils nous ont mis complète à l’aise et franchement vue que Harold et moi on avait déjà tourné ensemble , donc on était pas gênés. Ils nous ont laissé prendre notre temps et on a mis toutes les choses en place pour qu’on soit bien. On a beaucoup parlé avant de faire la scène, on savait ce qu’on allait devoir tourner, qu’on ne verrait que les visages et qu’on aurait pas à se toucher en vrai. Et c’est ce qui s’est passé. Certaines personnes ont appelé l’assistante sociale du lycée pour dire des choses qui n’avait rien avoir avec ce qui s’est passée donc à elle aussi je lui ai expliqué que tout allait bien, que Harold et moi on avait accepté et que les gens avaient extrapolé la chose. Donc il n’y a aucune raison d’être inquiet ou quoi. Harold va bien et je vais bien. 🙂 Merci de votre compréhension.
Témoignage – Denis Podalydès, comédien
Je découvre l’article d’Anne Diatkine dans Libération sur le tournage du film de Catherine Corsini, « Le Retour » , auquel j’ai participé, et je ne reconnais absolument pas dans ces lignes le plateau que j’ai connu. Certes, j’ai tourné peu de jours. C’était au milieu du tournage, lequel était donc bien engagé. À ce moment, la vie d’un film a pris son rythme et trouvé son atmosphère générale, à moins d’un événement accidentel qui en transforme la nature. Ce rythme et cette atmosphère sont insufflés par la personnalité du réalisateur ou de la réalisatrice, qui se transmet à l’équipe. Selon l’avancée du tournage, difficile ou aisée, inspirée ou laborieuse, tendue ou détendue — qui peuvent dépendre de problèmes inhérents ou extérieurs au projet — l’atmosphère s’avère plus ou moins lourde ou légère, selon que le maître d’œuvre contienne ou diffuse l’anxiété qui est la sienne, l’humour qu’il ou elle peut instiller, le calme qu’il ou elle peut perdre ou conserver. À mi-tournage, on sait, ça ne trompe pas.
Je suis arrivé sur un plateau parfaitement détendu, concentré, travaillant bien et même très bien. De la régisseuse qui est venue me chercher à l’aéroport à Bastia, à la première assistante, tout le monde était calme, volontaire, sans histoire. J’ai retrouvé les jeunes que j’avais croisés au mois d’août pour les lectures, Suzy, Esther et les autres: joyeux, complices, soudés, heureux de tourner ce film. Catherine Corsini aussi accueillante et bienveillante que possible, préparant et tournant ses plans en équipe, sans heurt, sans la moindre tension sinon celle du temps qui passe trop vite, du soleil qui bouge, des erreurs naturelles ou des distractions qui parfois suscitent une impatience. Rien de plus normal. J’ai participé à une centaine de tournage, je sais ce qu’est un plateau miné par des dissensions, des conflits, des non-dits, du harcèlement. On le sent, on le sait tout de suite, tant un plateau de tournage est poreux et transmet par ondes successives tout ce qui s’y passe. À aucun moment de ma présence sur le plateau du Retour je n’ai constaté le moindre problème ni éprouvé le moindre malaise, bien au contraire.
Voilà ce que je peux dire pour ce que j’ai vu et constaté. Je n’étais pas là le reste du temps, mais je suis certain que si un fait grave avait précédé mon séjour sur le film, j’aurais remarqué des indices, croisé un regard, entendu une rumeur, soupçonné quelque chose. Je n’ai donc rien appris pendant ni par la suite. J’ajoute : quand on tourne avec des jeunes, de nombreux aléas surviennent : disputes, écarts, sautes d’humeur, malentendus, gêne sur les scènes d’amour, soulographie excessive… Le cinéma est une expérience toujours intense pour des adolescents. Dans l’article de Libé, tous les faits sont mis sur le même plan comme s’ils ressortaient d’un même malaise, d’un même foyer néfaste. Or si on les prend l’un après l’autre, ils n’ont rien à voir ni ne recoupent la même réalité. Comment mettre sur le même plan un accident survenu au matin d’une nuit de tournage, la problématique d’une scène intime entre deux adolescents qui n’a pas été visée par la commission des enfants du spectacle, l’attitude d’un cascadeur vécue et interprétée comme indécente et les revendications d’une partie de l’équipe. L’addition de ces faits, en réalité hétérogènes, suggère que la responsable est Catherine, dont la tyrannie, la sècheresse de cœur, le cynisme seraient manifestes et prouvés. Quelle absurdité. Catherine est à l’opposé d’un tel portrait. Je ne suis pas un de ses amis ; j’ai de l’admiration pour la réalisatrice et de l’affection pour la femme. Je ne la défends pas par raison clanique ou parce que nous partagerions des intérêts. Je suis simplement révolté par la malveillance incroyable qui soudain s’abat sur elle.
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