Les députés sont appelés à voter, jeudi 1er février, sur une proposition de loi interdisant l’importation des trophées de chasse d’espèces en voie d’extinction. La chasse “de loisir” aux éléphants, lions, girafes et léopards, pour l’essentiel sur le continent africain, est de plus en plus contestée par l’opinion publique, en France et en Europe. Car cette pratique soulève quelques questions.
1 Que contient la proposition de loi ?
La proposition de loi, défendue par la députée écologiste Sandra Regol, tient en deux articles. Le texte (lien PDF) prévoit de mettre fin aux importations et exportations de trophées d’une large partie des espèces protégées. Il propose aussi de punir de trois mois d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende la promotion ou la publicité de la pratique de la chasse de ces espèces.
Sont concernées par l’interdiction d’importation toutes les espèces dont la survie est la plus compromise, ainsi que celles qui pourraient le devenir, en vertu des critères établis par la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites). Car si cette convention interdit déjà tout commerce de ces animaux en danger d’extinction, elle autorise les pays signataires à délivrer des permis spécifiques dans le cas de la chasse au trophée (lien PDF).
2 La France est-elle une grande importatrice de “trophées” ?
Sandra Regol l’a martelé : cette proposition de loi “ne traite que de l’importation pour la France” et “[n’agit] pas sur la législation internationale”. Mais l’impact de la France n’est pas négligeable. Sur la période 2014‑2018, le pays a importé 752 trophées de chasse d’espèces de mammifères en danger, selon le rapport de l’organisation de défense des animaux Humane Society International (lien PDF), publié en 2021. La France est notamment le premier importateur de l’UE en ce qui concerne les trophées de léopards d’Afrique, de lynx d’Eurasie et de guépards, selon ce rapport. “La France est aussi le troisième plus grand importateur de trophées d’éléphants d’Afrique, de loups gris, d’hippopotames et d’oryx algazelles, une espèce d’antilope africaine éteinte à l’état sauvage et élevée en captivité”, poursuit-il. En revanche, le pays ne délivre plus de permis d’importation de trophées de lion depuis 2015.
3 Quelle est la position des autres pays européens ?
L’Europe est la deuxième importatrice de trophées de chasse au monde, derrière les Etats-Unis. Dès 2016, les Pays-Bas ont interdit l’importation de trophées de plus de 200 espèces, tandis que la Belgique lui a emboîté le pas, le 25 janvier, affirme le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Lancée il y a deux ans, l’initiative belge a été adoptée à l’unanimité par le Parlement, s’est félicitée l’ONG Humane Society International. Un an plus tôt, la Finlande avait restreint ses importations, rapporte le site de l’organisation locale Sey. Au Royaume-Uni, une loi transpartisane a finalement échoué à interdire cette pratique, en septembre, après que 11 parlementaires ont déposé une soixantaine d’amendements, empêchant le texte d’être adopté dans le temps imparti, rapporte The Guardian.
En 2019, plus de 50 députés européens et une cinquantaine d’organisations de défense de la nature avaient appelé les pays signataires de la Cites à interdire la chasse aux trophées ciblant des animaux en danger, comme les rhinocéros et les éléphants.
4 Quels sont les arguments des défenseurs de cette pratique ?
La question de la chasse au trophée fait débat, y compris au sein de la communauté scientifique. Ses défenseurs arguent qu’une poignée de riches chasseurs prêts à payer plusieurs dizaines de milliers de dollars pour abattre un animal sauvage garantit à des pays souvent en grande difficulté de financer des programmes de conservation et de lutte contre le braconnage. Au Zimbabwe, la chasse au trophée finance ainsi 90% des initiatives de conservation en dehors des aires protégées, explique Le Monde. “La conservation coûte cher et nous manquons de moyens”, a déclaré au journal Patience Gandiwa, de l’Autorité locale de gestion de la faune sauvage. “La chasse à l’éléphant, dont les populations sont abondantes, permet par exemple de financer la protection des rhinocéros ou des vautours.”
Une étude publiée en 2021 dans la revue Journal of African Elephants (lien PDF) constate que la mise en place de zones cogérées par la population locale, et au sein desquelles un quota de quelques animaux par an est réservé à la chasse au trophée, a permis à la population d’éléphants de passer de 7 500 individus en 1998 à plus de 22 000 aujourd’hui. Mais elle note aussi que les bienfaits du modèle varient d’un territoire à l’autre, en termes de protection des espèces ou de redistribution des bénéfices tirés de cette lucrative forme de tourisme.
Enfin, l‘essentiel des revenus générés demeure entre les mains des organisateurs des chasses et des professionnels du tourisme, poursuit le rapport. “On estime qu’un éléphant vivant peut générer jusqu’à 1,6 million de dollars tout au long de sa vie rien qu’en recettes touristiques”, rappelle une tribune collective publiée dans Le Monde.
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