Par envie ou par défi, nombreux sont ceux qui réalisent un premier… Et parfois unique film. Notre petite sélection du précédent dossier ayant semble-t-il été appréciée, voici cinq nouveaux exemples dans ce vol. 2 !
Ce n’est pas exactement une découverte. Le tournage d’un film, devant et / ou derrière la caméra, n’est pas toujours un long fleuve tranquille. L’expérience peut même carrément virer à l’extrême, comme ce fut le cas pour Apocalypse Now, dont le tournage homérique est raconté dans l’hallucinant making-of Heart of Darkness. Ou encore Fitzcarraldo de Werner Herzog, et ses relations conflictuelles avec Klaus Kinski.
Si certains talents du cinéma ne manifestent pas spécialement l’envie de coiffer un jour la casquette de réalisateur, tout aussi nombreux sont ceux qui finissent par céder aux sirènes de la réalisation, par envie et / ou par défi. Reste que certaines de ces tentatives ne seront pas reconduites. Pourquoi ? Expériences douloureuses et épuisantes, raisons financières… Ce ne sont pas les explications qui manquent.
Notre petite sélection du précédent dossier ayant semble-t-il été appréciée, voici cinq nouveaux exemples dans ce vol. 2 !
“Johnny s’en va-t-en-guerre de Dalton Trumbo
De quoi ça parle ?
Durant la première guerre mondiale, un jeune soldat est blessé par une mine : il a perdu ses bras, ses jambes et toute une partie de son visage. Il ne peut ni parler, ni entendre, ni sentir mais reste conscient. Dans la chambre d’un hôpital, il tente de communiquer et se souvient de son histoire…
Johnny s'en va-t-en guerre
Sortie :
1 mars 1972
|
1h 50min
De
Dalton Trumbo
Avec
Timothy Bottoms,
Don 'Red' Barry,
Kathy Fields
Spectateurs
4,1
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Sans doute une des plus fameuses personnes blacklistées par Hollywood durant la Chasse aux sorcières en plein Maccarthysme, Dalton Trumbo est avant tout connu pour son grand travail de scénariste. Titulaire de deux Oscars (pour Vacances romaines en 1953 et Les clameurs se sont tues en 1956), on lui doit aussi le script de Spartacus, du Rodeur de Joseph Losey, celui de Papillon… Il attendra pourtant 1971, à l’âge de 66 ans, pour signer en tant que metteur en scène son premier film.
Le film Johnny s’en va-t-en guerre est tiré du livre éponyme de son réalisateur, publié pour la première fois en 1939, deux jours seulement après le début de la seconde guerre mondiale. Le film fait aussi indirectement écho à la Guerre du Viêtnam.
N’ayant jamais réalisé de films, Dalton Trumbo pensa confier l’adaptation de son roman à son ami Luis Buñuel; il évoqua aussi la participation de Salvador Dalí. Mais ces derniers refusèrent, estimant que le film appartenait uniquement à son auteur. Toutefois, Buñuel apportera sa contribution en collaborant à certains plans (les scènes avec Jésus Christ).
“L’homme perdu” de Peter Lorre
De quoi ça parle ?
En Allemagne, peu de temps aprés la fin de la Seconde Guerre mondiale, le docteur Karl Rothe, qui a pris le nom de Neumeister, travaille dans un camp de refugiés. Il voit un jour apparaître sous le nom de Novak son ancien collègue, Hosche. Les deux hommes partagent un lourd secret.
En 1943, Hosche avait aidé Karl, en accord avec un certain colonel Winkler, à dissimuler le meurtre de sa petite amie, Inge. En effet, chargé par le régime nazi d’importantes recherches, Rothe l’avait étranglée quand Hosche et Winkler lui avait appris que sa fiancée le trahissait en communiquant les résultats de ses travaux à Londres…
Du grand acteur Peter Lorre, on se souvient surtout de son visage inquiétant, inoubliable dans son plus fameux rôle, celui de tueur d’enfants dans M le Maudit chez Fritz Lang; mais aussi chez John Huston dans Le Faucon maltais, et d’autres seconds rôles dans les productions hollywoodiennes à succès dans les années 40 (Casablanca de Michael Curtiz, Intrigues en Orient de Raoul Walsh…). On connait nettement moins Peter Lorre réalisateur.
Il est en l’occurence le metteur en scène et interprète principal d’un unique film tourné en 1951, L’ Homme perdu. Se déroulant dans l’Allemagne de l’après-guerre qui peine encore à se relever de ses décombres, le film, d’une grande noirceur, est tout à la fois un récit d’espionnage, une histoire de vengeance, et un portrait psychologique d’un tueur.
Le film fut un échec commercial; et ne resta semble-t-il qu’une dizaine de jours sur les écrans. Sans doute, une des raisons de cet échec tient au fait qu’en Allemagne, encore traumatisée par les années de nazisme et en pleine reconstruction, l’heure n’était pas à alimenter le sentiment de culpabilité d’un pays à l’égard d’un passé dont les ruines étaient encore fumantes…
“Phase IV” de Saul Bass
De quoi ça parle ?
Des fourmis du désert se regroupent subitement pour constituer une intelligence collective et déclarent la guerre aux humains. C’est à deux scientifiques et une fille qu’ils ont sauvé des mandibules des fourmis qu’échoit la mission de les détruire.
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Peu connu du grand public, le Graphic Designer Saul Bass (1920-1996) a toujours réalisé des génériques d’ouverture de films à l’avant-garde. Il travailla avec Alfred Hitchcock sur trois films : Sueurs froides, Psychose et La Mort aux trousses. On lui doit aussi ceux de West Side Story, Spartacus, ou même celui de Alien, le huitième passager, bien que non crédité pour ce dernier.
Grand admirateur de son travail, Martin Scorsese l’avait sorti de sa semi retraite au début des années 90, pour lui demander de signer le générique des Affranchis, celui des Nerfs à vif, et, dans ce qui reste son ultime travail, la fabuleuse ouverture de Casino, sur le thème musical “Matthaus Passion” de Jean-Sébastien Bach. Bref, une sommité dans son domaine.
Bien avant Bernard Werber et son obsession pour les fourmis, Saul Bass réalisait en 1974 un premier et dernier long métrage : Phase IV; une oeuvre étonnante et à découvrir, dans la veine du Mystère Andromède, au croisement de la SF, un zeste d’horreur et du Thriller. L’histoire d’une lutte à mort entre l’Homme et les fourmis.
Le titre du film s’explique par sa structure narrative, divisée en quatre parties. Cuisant échec au Box Office, le film fut rapidement enterré par Paramount, en plus d’effectuer des coupes (certaines scènes présentes dans la BA ne le sont pas dans le film par exemple) et notamment la fin mythique initialement prévue par Saul Bass.
Un montage surréaliste et psychédélique de quatre minutes, lorgnant du côté de 2001 : l’odyssée de l’espace. Une fin originale longtemps considérée comme perdue, avant d’être retrouvée et montrée en juin 2012. En France, le film n’est même sorti que dix ans plus tard; c’est dire la distribution alors confidentielle de l’oeuvre. L’éditeur Carlotta a d’ailleurs sorti un splendide coffret DVD / blu-ray de cette pépite très originale.
“Ne pas avaler” de Gary Oldman
De quoi ça parle ?
La famille de Raymond, sa femme Val et son beau-frère Billy vivent dans un quartier ouvrier de Londres. Billy est drogué et Raymond l’expulse de chez lui, le contraignant à vivre dehors, espérant l’aide de sa mère Janet et de sa grand-mère Kath. Raymond, père d’une petite fille, est la plupart du temps ivre et devient parfois violent, y compris avec sa femme enceinte…
Immense acteur dont la réputation n’est depuis longtemps plus à faire, modèle absolu pour toute une génération de comédiens (notamment pour Tom Hardy), Gary Oldman a incarné de nombreux rôles mémorables, de Dracula à True Romance en passant par JFK, La Taupe, Léon, Hannibal, Les Heures sombres et son extraordinaire composition sous les traits de Churchill, son incarnation du commissaire Gordon dans la trilogie du Dark Knight de Nolan…Pour ne citer qu’une toute petite poignée de ses incarnations.
En 1997, il signait ce qui reste son unique réalisation et son seul scénario : Ne pas avaler. Un film choc, financé avec l’aide de Luc Besson d’ailleurs, qui avait même été présenté en ouverture du festival de Cannes.
Portrait du quotidien d’une famille déchirée par la violence, l’alcool et la drogue, le film avait aussi une valeur en partie (et en partie seulement) autobiographique. “Je l’ai voulu honnête, vrai, sans concessions, comme l’album-photo de tous ceux qui m’ont touché et troublé dans ma vie” expliquait-il; lui qui a passé sa jeunesse dans une banlieue défavorisée du Sud-Est de Londres. Sa soeur, Laila Morse, et sa mère, jouent même dans le film.
25 ans après sa sortie, Oldman en parle encore avec beaucoup d’émotion, dans un long échange en public organisé au sein du British Film Institute. “Je ne sais pas à quel point le film est cathartique. Je suis un très grand admirateur de John Cassavetes, le film a aussi une influence du néo-réalisme italien, et bien sûr celle de Ken Loach.
Dans ma famille élargie, quelqu’un avait un problème avec l’héroïne, et avait évidemment besoin d’argent pour acheter sa drogue. Il m’a volé, cassé mon appartement, celui de ma soeur… L’idée de base du film reposait initialement dessus. Le scénario du film m’a pris trois ans, mais ca a finalement pris 30 ans de développement”.
Il ajoute : “personne ne voulait de mon film. Ca été très difficile à financer. Les gens me demandent souvent pourquoi est-ce que je n’ai pas réalisé un autre film depuis. L’ironie, c’est que, souvent, ceux qui me demandent ça sont ceux qui dirigent les société [de production], ceux qui ont l’argent ou ont les facilités pour obtenir cet argent. Ils ne veulent pas de ce film là. Ils veulent un autre Quatre mariages et un enterrement. Ils sont d’accord pour que je fasse un autre film, mais pas un film comme celui-ci”.
On peut comprendre l’amertume de Oldman, qui souligne aussi à quel point l’expérience fut certes intéressante pour lui, mais épuisante et douloureuse, au point même d’avoir envisagé à un moment de carrément fermer le tournage, parce qu’il lui manquait 1 million $ pour payer son équipe. Âgé désormais de 64 ans, il n’est pas forcément pressé de réitérer l’expérience.
Reste donc cette oeuvre unique, singulière, qui fut couronnée notamment par deux BAFTA : celui du Meilleur scénario, et celui du Meilleur film britannique. Invisible depuis des années chez nous, il n’a même pas été, à notre connaissance, édité en DVD chez nous. Il faut hélas se tourner vers l’import, comme la copie restaurée en 4K par le BFI justement.
” A deux pas de l’Enfer” de James Cagney
De quoi ça parle ?
Kyle Niles, un tueur à gages, est embauché par une de ses connaissances pour abattre deux hommes. Il accepte, et, après avoir accompli son travail, il reçoit le salaire dû. Cependant, il ignore que l’argent qu’il touche est celui d’un hold-up, et que chaque numéro de billet est connu par la police. Pris en tenaille, Kyle enlève la fiancée du policier qui le poursuit, afin de couvrir sa fuite.
A deux pas de l'enfer
Sortie :
10 octobre 1958
|
1h 25min
De
James Cagney
Avec
Robert Ivers,
Georgann Johnson,
William Bishop
Spectateurs
3,0
On ne présente guère plus James Cagney, un des plus grands acteurs du premier âge d’or d’Hollywood. Celui qui passa son enfance à New York dans un quartier difficile sera la vedette de l’inoubliable Ennemi public, qui fera de lui la star incontournable du film de gangsters des années 1930. Mais il était aussi capable d’exceller dans d’autres registres, même la comédie musicale.
27 ans après ses débuts devant une caméra, il signera ses débuts de réalisateur avec A deux pas de l’enfer, un thriller policier qui est resté son unique contribution. Outre le fait que ce film marque les débuts d’Yvette Vickers, qui connu une gloire éphémère grâce à ses mensurations dévoilées dans le magazine Playboy, il fut présenté en double programme dans les cinémas Drive-in, et fut un échec commercial.
Cagney n’avait en réalité aucune envie de devenir réalisateur. Selon les archives versées par le studio à la Bibliothèque de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, le studio ne mentionne pas le salaire de Cagney sur ce film, qui ne coûta qu’un peu plus de 346.000 $ à faire. En fait, l’acteur l’aurait réalisé comme une faveur faite à son ami A.C. Lyles, qui fut longtemps un Executive de la Paramount.