Pourquoi la façon de filmer les scènes dérangeantes est différente et importante dans How To Have Sex ? On vous explique.
Comment mettre des images sur le vaste sujet du consentement ? Cette question est au cœur de plusieurs films actuellement à l’affiche, à commencer par (le justement nommé) Le Consentement, qui a déjoué les pronostics en terme de fréquentation, et dont on vous explique la raison.
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Un peu plus d’un mois après la sortie de ce film français, adapté du récit choc de Vanessa Springora, voici un autre long métrage venu d’outre-Manche cette fois-ci, et qui à sa manière, pose un regard fort, et rare, sur cette problématique très “post #MeToo” au cinéma.
Ce film, c’est How To Have Sex, qui a énormément fait parler dès sa toute première projection à Cannes.
Son titre attire forcément l’attention : How To Have Sex ! Comment faire l’amour ! Mais derrière ces mots se cachent un autre programme que celui qu’on pourrait s’imaginer. Loin, très loin du film clinquant et tablant sur une surenchère de scènes de sexe, il n’y a rien de tout ça ici. S’il y a certes beaucoup de scènes de fête, et une juste illustration de jeunes voulant s’amuser, le film est avant tout une réflexion sur la pression sociale qui existe sur la fameuse “première fois”.
Molly Manning Walker, scénariste et réalisatrice de ce premier long métrage, nous a expliqué son approche des scènes dérangeantes du film.
Attention, des spoilers figurent dans la suite du texte.
Au cœur du film, il y a une agression sexuelle, qui va faire basculer la vie de l’héroïne, Tara (Mia McKenna Bruce). La cinéaste prend le parti de ne pas montrer frontalement les choses, et ne surtout pas “glamouriser” la situation. Pour être plus précis, elle adopte un point de vue féminin, celui de son héroine, autrement appelé le “female gaze”.
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“Pour moi, c’était très important de montrer cela de ce point de vue. Il y a tellement de femmes qui ont subi des agressions, que nous avons pas besoin de sur-dramatiser ce qu’il se passe et montrer [l’agression] de façon démonstrative, explicite. Il fallait aussi que cette scène soit rapide, et que tout se passe à travers son regard. Montrer comment elle expérimentait les choses. Car je pense que dans pas mal de films, ça peut être glamourisé ou intensifié à l’écran. (…) J’ai eu des commentaires d’hommes me demandant pourquoi les scènes d’agression ne sont pas plus longues et plus agressives“, poursuit la réalisatrice à notre micro.
Dans le dossier de presse, la cinéaste donne davantage de détails, à propos de la différence de perception du public, du sujet du film, et particulièrement du traitement de ces scènes : “Après les quelques projections qui ont eu lieu jusqu’à présent, je me rends compte que les jeunes filles sont très émues et me remercient d’avoir traité de ce sujet complexe et important à leurs yeux. Cela reste encore compliqué pour les garçons, souvent ils ne restent pas lorsqu’il y a un échange avec le public à la suite du film. J’espère que cela va changer.”
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Elle poursuit : “Même les réactions de nombreux journalistes hommes à Cannes m’ont surprise : ils évoquaient l’alcool pour excuser les agressions ou le fait que Tara ne dise pas non, la responsabilité à leurs yeux semblait partagée… Nous n’avons pas représenté les agressions d’une manière violente ou excessive, mais réaliste. Je souhaite, avec ce film, ouvrir un espace où l’on pourrait parler, librement, d’une sexualité plus épanouissante et de susciter un débat, notamment avec les jeunes, sur les moyens d’y parvenir.”
A notre micro, l’actrice Mia McKenna Bruce précise au sujet de la notion de “zone grise“, autre façon d’évoquer le consentement. “Cette zone grise ne devrait pas exister. Ça ne devrait pas être compliqué. Et de prononcer le mot « oui » ne veut pas dire consentir. C’est très évident quand quelqu’un est mal à l’aise dans certaines situations, et particulièrement ce que l’on voit dans ce film.“
Concernant le tournage des scènes d’intimité entre jeunes, l’équipe a mis en place des chorégraphies, et fait appel à un coordinateur d’intimité (sujet qui va faire l’objet d’un documentaire, Sex is comedy, disponible dès le 24 novembre, sur France TV Slash). “Nous avons fait beaucoup de répétitions. Cela signifiait que nous avions l’espace nécessaire pour partager ce qui nous convenait à tout moment. Tout était chorégraphié. Nous savions donc exactement ce que nous faisions à tout moment. Le coordinateur savait ce que nous ne voulions pas, ou ce que nous voulions, ce qui nous était inconfortable ou confortable, et que cela soit aligné avec ce dont Molly avait besoin pour le film.”
How To Have Sex de Molly Manning Walker est sorti en France ce mercredi 15 novembre 2023.
Propos recueillis et traduits par Brigitte Baronnet, au Festival de Cannes 2023