En vingt ans, le visage de Recep Tayyip Erdogan à la tête de la Turquie a bien changé. A ses débuts en 2003, il promettait un nouveau souffle démocratique. Au fil de ses mandats de Premier ministre (de 2003 à 2014), puis de président (depuis 2014), le dirigeant conservateur turc a finalement opéré un virage autoritaire. L’Etat de droit a reculé et les mouvements contestataires ont été réprimés avec violence.
Le “règne” d’Erdogan va-t-il en rester là ? Les électeurs turcs sont appelés aux urnes, dimanche 14 mai, pour le premier tour de l’élection présidentielle. Et les sondages donnent son principal opposant, Kemal Kiliçdaroglu, en tête au premier tour avec 49% des voix, d’après le site Politico, qui a regroupé les résultats de plusieurs enquêtes d’opinion.
Cette élection s’inscrit dans une Turquie frappée par une grave crise économique et encore meurtrie par le séisme du 6 février dernier. Quelle est la responsabilité d’Erdogan dans la situation du pays ? Quelles conséquences sur le vote des Turcs ? Franceinfo fait le bilan de la politique menée pendant vingt ans par le chef du Parti de la justice et du développement (AKP).
Une économie turque à l’agonie
Les prix en Turquie ont tout simplement explosé ces dernières années. Selon les chiffres officiels, l’inflation était d’environ 50% sur un an en mars, après avoir atteint 85% en octobre 2022. Ces chiffres pourraient d’ailleurs être sous-évalués, le groupe de recherche turc indépendant sur l’inflation (Enag) évoquant une inflation de 112% sur cette même période. Ces taux contrastent avec ceux auxquels la Turquie a été habituée pendant une grande partie de l’ère Erdogan : entre 2004 et 2016, l’inflation annuelle était de 8,2% en moyenne, d’après les données de la Banque mondiale. Conséquence de cette inflation galopante : la livre turque s’effondre face au dollar. Entre 2013 et 2022, sa valeur a chuté d’environ 90%. En avril, la devise est tombée à presque 20 livres pour un dollar, son plus bas niveau historique.
“Certes, il y a une crise internationale et la hausse du prix des hydrocarbures pèse sur la Turquie, qui en est démunie”, avance Didier Billion, spécialiste du pays et directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). “Mais Erdogan est aussi responsable de cette situation.” En réponse à l’inflation, le chef de l’Etat turc s’obstine en effet à baisser les taux directeurs de la Banque centrale turque, mesure “contraire à celles qu’il aurait fallu prendre”, juge-t-il, comme bon nombre d’économistes.
“Erdogan a voulu se poser comme économiste en chef. Il n’a pas voulu écouter les spécialistes, y compris dans son entourage.”
Didier Billion, spécialiste de la Turquie
à franceinfo
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