La banlieue comme théâtre d’un film d’action percutant : l’ambitieux La Gravité est à voir au cinéma
La banlieue comme théâtre d’un film d’action percutant : l’ambitieux La Gravité est à voir au cinéma

La banlieue comme théâtre d’un film d’action percutant : l’ambitieux La Gravité est à voir au cinéma

Deuxième long métrage réalisé par Cédric Ido (mais le premier en solo), "La Gravité" ausculte la banlieue avec un prisme fantastique et d'action. Le résultat est ambitieux et à voir en salles.

ÇA PARLE DE QUOI ?

Un mystérieux alignement des planètes embrase le ciel et inquiète tous les habitants de la cité. Une bande d’adolescents, Les Ronins, règnent en maîtres sur cette cité, et voient cet évènement planétaire comme la possibilité d’une nouvelle ère. Daniel, Joshua et Christophe, 3 amis d’enfance que le deal et la prison ont séparés, vont devoir s’unir pour affronter ce gang. Après cette nuit-là, où le ciel a viré au rouge sang, plus rien ne sera jamais pareil…

La Gravité

Sortie :

3 mai 2023

|
1h 26min

De
Cédric Ido

Avec
Max Gomis,
Jean-Baptiste Anoumon,
Steve Tientcheu

Presse
3,1

Spectateurs
3,1

Séances (64)

GRAVE PARTY

La banlieue inspire le cinéma français, et sous diverses formes. Alors que La Haine, Les Misérables ou le très récent Le Jeune Imam l’abordent d’une façon réaliste qui n’empêche pas la stylisation, nous avons également eu droit à une approche opératique (Athéna), poétique (Gagarine) et, aujourd’hui, fantastique et teintée d’action.

Six ans après La Vie de Château, qu’il avait co-signé avec Modi Barry, Cédric Ido se lance en solo et réalise son deuxième premier long métrage. Le récit ne se déroule plus dans Paris, mais l’aspect social est toujours présent, tout autant que le choc des générations ou l’engrenage de la violence dont les personnages peinent à se sortir.

La gravité du titre désigne aussi bien celle qui provoque le mystérieux alignement des planètes au cœur de l’intrigue, que les conséquences des actes de chaque protagoniste ou ce qui les retient dans cette cité, comme une fatalité, et les empêche quitter ses dalles. A l’image de Daniel (Max Gomis, très charismatique), qui hésite à prendre l’avion pour quitter les lieux avec sa femme (Hafsia Herzi) et leur enfant.

“La gravité règne sur nous en nous imposant une verticalité permanente. Elle est là, partout, sous toutes les formes, juste pour nous retenir”, nous dit-il dans une voix-off qui a tendance à surexpliquer ce que le metteur en scène nous fait pourtant très bien comprendre avec les images. Dans un univers où la couleur rouge devient symbole de danger et prend de plus en plus de place au fur et à mesure que la tension grandit, jusqu’à donner au ciel un aspect sanglant.

“Par ces connections spéciales, le spectateur se rend compte et les personnages adultes aussi, que la vie dans cette banlieue n’est pas normale”, raconte Cédric Ido. “Qu’il n’est plus normal en 2022 [le film devait initialement sortir en décembre dernier, ndlr] de vivre sans espoir.” Dans cet idée d’avenir bouché, La Gravité rejoint Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh.

Mais il s’en éloigne en puisant ses influences dans le comic book ou la mythologie japonaise (avec le gang des Ronins), ainsi que le cinéma d’action. Le film n’est jamais The Raid et jamais il ne cherche à l’être, en raison de moyens plus limités dont le metteur en scène s’accomode néanmoins, et de cette envie de ne pas perdre le point de vue humain de son histoire, centré sur un conflit entre générations.

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“Tout d’abord il y a la génération des anciens à laquelle moi je m’identifie et qui est celle effectivement des trois héros du film. Cette génération a été plus ou moins maltraitée, invisibilisée, pas reconnue. Elle s’est toujours battue pour pouvoir exister. Elle n’a pas du tout pensé à laisser aux plus jeunes, symbolisés par les Ronins dans le film, un héritage efficient de leur expérience de vie et de droits à vivre dignement dans une cité.”

“Ces plus jeunes sont alors devant le néant et le refus de se laisser humilier comme nous. Une part d’entre eux sont même nihilistes. Ils refusent les systèmes sociaux actuels et sont prêts à sacrifier les générations antérieures s’il le faut afin de recommencer à zéro, exister dans leur propre système, selon leurs propres règles.” Une politique de la terre brûlée qui n’est pas celle de La Gravité, qui ne fait pas figure de révolution ou de renversement de l’ordre établi dans le cinéma hexagonal.

Mais ce film d’action social ambitieux, brut lorsque les coups pleuvent, confirme la vitalité actuelle de notre cinéma lorsqu’il s’agit de s’essayer au genre tout en gardant un ancrage dans notre société et ses spécificités. Vu sous cet angle, l’avenir s’annonce plus radieux que celui des héros de La Gravité.